Objectif : retarder la paralysie due à la SLA

27 avril 2016

Vendredi, 05 Février 2016 11:36 Journal FORUM

 

Du grec glios, «gluant», la cellule gliale est actuellement peu étudiée par la communauté scientifique. Photo : Thinkstock.

Mieux comprendre le fonctionnement des cellules gliales pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Voilà l’objectif poursuivi par Danielle Arbour dans son doctorat mené sous la direction du professeur Richard Robitaille au Département de neurosciences de l’Université de Montréal.

 

Danielle Arbour a démontré qu’il était possible de réduire l’activation des récepteurs des cellules gliales qui sont dysfonctionnelles dans la sclérose latérale amyotrophique. Photo : Amélie Philibert.

Du grec glios, «gluant», la cellule gliale est actuellement peu étudiée par la communauté scientifique. Selon la chercheuse, son rôle est pourtant névralgique dans l’apparition des symptômes de la SLA, aussi appelée «maladie de Lou Gehrig». «Cette maladie neurodégénérative provoque progressivement une paralysie de l’ensemble des muscles des patients, y compris les muscles respiratoires, les condamnant à mourir dans les deux à cinq ans suivant le diagnostic», indique Danielle Arbour, dont la soutenance de thèse aura lieu en mars.Dans le cadre de ses recherches, elle a analysé l’interface de communication entre le neurone moteur et le muscle, soit la jonction neuromusculaire. Elle a également étudié les propriétés des cellules gliales, qui font partie intégrante de cette jonction neuromusculaire, et a ainsi mis en évidence le rôle majeur qu’elles jouent dans la SLA. «Je me suis demandé si les cellules gliales assumaient convenablement leur rôle de médiatrices dans le contexte de la SLA. La réponse est non.»

Lorsqu’une personne est atteinte de cette maladie dévastatrice, les neurones moteurs se détériorent, ce qui cause l’interruption de la communication à la jonction neuromusculaire. De plus, ses cellules gliales sont dysfonctionnelles. Elles ne parviennent plus à détecter l’absence de communication nerveuse ni à la rétablir en agissant sur la synapse, la zone de contact entre le neurone moteur et le muscle.

«C’est comme si les cellules gliales étaient malentendantes, car les récepteurs qui leur servent d’oreilles sont défectueux. Elles n’arrivent pas à relancer le dialogue entre le neurone moteur et le muscle, puisque le niveau d’activation de leurs récepteurs est trop élevé. Résultat? Lorsque la communication est interrompue, non seulement la cellule gliale ne le décèle pas, mais elle ne fait rien pour y remédier. Elle ne peut donc pas entrer dans un mode de réparation», résume Danielle Arbour, lauréate de la bourse d’excellence Catherine Fradette en 2014.

La publication des résultats de ses travaux dans la revue scientifique The Journal of Neuroscience révèle des altérations précoces et persistantes dans ce type de cellules, jusqu’ici peu considérées. «Mes recherches pourraient avoir un effet considérable sur la qualité de vie des gens qui souffrent de SLA, souligne la chercheuse. L’idée est de rétablir les aptitudes auditives des cellules gliales, de restaurer leur fonction de médiatrices et d’aider, du coup, les patients à conserver le plus longtemps possible leurs capacités de mouvement pour ainsi vivre plus longtemps!»

Voir la vidéo :

https://www.youtube.com/watch?v=YpLk2yFW7zk

Nouvelle cible thérapeutique

Hérésie? Pas du tout. Danielle Arbour a démontré qu’il était possible de ramener l’activation des récepteurs à un niveau normal. Pour parvenir à ce résultat, elle a injecté à des souris qui exprimaient un gène muté de la SLA un antagoniste (une drogue) qui réduit l’activation des récepteurs. «Comment? Cette drogue bloque la liaison du ligand naturel sur les cellules gliales, ce qui a pour effet de diminuer leur activation», explique Mme Arbour.

À sa grande surprise, les cellules gliales des souris malades étaient alors capables de détecter la communication entre le neurone moteur et le muscle aussi bien que celles des souris saines du même âge. Mieux encore : elles parvenaient à enclencher un mode de réparation afin de rétablir la communication.

Cette percée pourrait favoriser la mise au point d’une nouvelle cible thérapeutique en retardant la dégénérescence massive des jonctions neuromusculaires. «Mes travaux portaient sur un muscle précis. Il faut maintenant voir si la même altération est présente dans les autres muscles du corps.» Des études menées dans le laboratoire du professeur Robitaille semblent confirmer l’hypothèse. «Cela indique que l’altération des cellules gliales serait une caractéristique de la SLA, note Danielle Arbour. Si c’est bel et bien le cas, on pourrait étendre la méthode et opter pour une approche thérapeutique globale en visant toutes les cellules gliales du système nerveux périphérique. Cela permettrait ainsi de préserver la santé des jonctions neuromusculaires.»

Les éminences grises des neurones

Jusqu’à tout récemment, les cellules gliales étaient cantonnées à un simple rôle d’assistantes des neurones, qui, eux, étaient considérés comme le siège de l’esprit humain! Mais voilà qu’à la fin des années 90 cette représentation du cerveau vole en éclats. Des chercheurs découvrent les abondantes capacités de communication de ces cellules, qui représentent 50 % de notre volume cérébral. C’est le choc. Les cellules gliales sont en fait les éminences grises des neurones!

«Les scientifiques avaient supposé que, si les astrocytes, un type de cellule gliale, pouvaient communiquer, c’était sur un mode semblable à celui des neurones. Comme ils ne parvenaient pas à analyser leur communication électrique – et pour cause : les astrocytes communiquent sous forme de vague calcique –, ils ont cru que les seuls influx émanaient des neurones. Ce qui a mené à l’ère du tout neuronal», raconte Danielle Arbour.

Il y a 15 ans environ, les premiers «messages» transmis entre astrocytes, mais aussi entre astrocytes et neurones, ont été interceptés grâce à une nouvelle méthode d’observation, basée sur des marqueurs chimiques. Bingo! Les chercheurs réalisent alors que les cellules gliales sont l’un des supports de la transmission d’information dans le cerveau. Au-delà d’un rôle d’intendance, elles contrôlent la survie des neurones, modulent la communication nerveuse, s’organisent en réseau pour assurer le maintien de l’activité neuronale, etc.

«Elles sont aussi impliquées dans les affections neurologiques et neurodégénératives comme l’épilepsie, les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson et sont au cœur de fonctions aussi essentielles que la mémoire, l’apprentissage et la vision», fait valoir Danielle Arbour.

De quoi fissurer le dogme…

Dominique Nancy