Une équipe montréalaise éclaire l’un des mystères du parkinson

6 octobre 2015

 

 

L’équipe de Louis-Éric Trudeau ouvre la voie à une meilleure compréhension de la maladie de Parkinson en publiant les résultats d’une recherche dans Current Biology. Photo : Jeronimo Sanz CC BY 2.0 https://flic.kr/p/joy44a.

C’est une surchauffe de neurones ayant un rôle très précis à jouer dans le contrôle du mouvement par le cerveau qui pourrait causer les symptômes de la maladie de Parkinson, cette affection neurodégénérative qui frappe plus de 100 000 personnes au Canada. «Comme un moteur qui tournerait beaucoup trop vite pour propulser un véhicule, ces neurones doivent produire beaucoup d’énergie pour fonctionner. Elles s’épuisent et meurent prématurément», dit le professeur de l’Université de Montréal Louis-Éric Trudeau, joint à Amsterdam quelques jours avant la publication de ses résultats de recherche dans la revue Current Biology.

Sommet dans les travaux du chercheur du Département de pharmacologie qui s’intéresse depuis 17 ans au fonctionnement d’une région du cerveau en cause dans la maladie de Parkinson, la schizophrénie et la dépendance aux drogues, l’article pourrait ouvrir la voie à la création de modèles animaux et à l’élaboration de nouvelles stratégies de traitement. «Pour une raison obscure, les laboratoires spécialisés ne parviennent pas à reproduire chez la souris les symptômes de la maladie de Parkinson, même en recourant à la transgénèse pour mimer les mutations retrouvées chez l’humain dans les formes familiales de cette maladie. Notre découverte pourrait permettre à court terme de proposer des lignées mieux adaptées à la recherche», indique l’auteur de l’article cosigné par ses collègues du Département de pharmacologie Consiglia Pacelli, Nicolas Giguère et Marie-Josée Bourque et deux chercheurs des universités Laval et d’Ottawa, Martin Lévesque et Ruth Slack.

Avec de meilleurs modèles animaux, on peut envisager la mise au point de médicaments qui pourraient, par exemple, «aider les neurones en question à diminuer leur consommation d’énergie ou alors à produire leur énergie plus efficacement, ce qui réduirait l’accumulation des dommages au fil des années», illustre le chercheur en neuropharmacologie de 46 ans. Son équipe explore déjà de nouvelles pistes de ce côté en collaboration avec les laboratoires des professeurs Slack et David Park, de l’Université d’Ottawa.

Louis-Éric Trudeau dans son laboratoire de l’Université de Montréal.

Louis-Éric Trudeau dans son laboratoire de l’Université de Montréal.

Cibler la substance noire

À la différence de la maladie d’Alzheimer, qui touche de façon plus large les milliards de neurones du cerveau, les symptômes principaux de la maladie de Parkinson sont causés par la mort de quelques dizaines ou centaines de milliers de neurones dans quelques régions plutôt circonscrites du cerveau incluant la substance noire compacte, le locus ceruleus et le noyau dorsal du nerf vague.

La clé : les mitochondries, ces usines à énergie microscopiques qui permettent aux cellules de croître et aux neurones de libérer leurs messagers chimiques tels que la dopamine, la noradrénaline et l’acétylcholine. Depuis trois ans, l’équipe du laboratoire lié au Groupe de recherche sur le système nerveux central et aux départements de pharmacologie et de neurosciences de l’Université de Montréal a multiplié les expériences pour parvenir à désigner les mécanismes en jeu et confirmer l’hypothèse de la «surchauffe» des neurones.

Les chercheurs ont découvert que cette surchauffe pourrait être provoquée par des cellules très complexes comptant un nombre élevé de prolongements et de sites de libération des neurotransmetteurs, un peu comme un arbre avec de très nombreuses branches. Ces neurones seraient vulnérables et leur dysfonctionnement déclencherait la maladie de Parkinson, dont les premiers symptômes apparaissent dans la soixantaine. «Nos travaux appuient l’hypothèse selon laquelle les neurones complexes comme ceux de la substance noire forcent les mitochondries à travailler très fort pour produire de l’énergie. Cela expliquerait l’usure cellulaire accélérée.»

Pour reprendre l’analogie du moteur, une auto qui surchauffe brûle forcément plus d’essence; pas étonnant qu’elle se retrouve au garage plus souvent…

Défis particuliers

Le professeur Trudeau précise que les maladies neurodégénératives les plus communes de nos jours représentent des défis particuliers pour les chercheurs, car elles découlent en quelque sorte de l’allongement de l’espérance de vie. «D’un point de vue évolutif, certains de nos neurones ne sont pas programmés pour durer 80, 90 et même 100 ans comme on le voit de plus en plus. Il faut s’attendre à ce qu’une partie du système subisse plus difficilement les outrages du temps.»

Mais, en raison de la nature de la maladie de Parkinson, plus ciblée que d’autres, on peut envisager un traitement dans un avenir pas trop éloigné. Le chercheur signale toutefois que son objectif premier est de développer la connaissance fondamentale des mécanismes du cerveau afin de jeter une lumière nouvelle sur les maladies neurologiques.

L’équipe a pu compter sur le soutien de la Fondation Brain Canada en partenariat avec la Fondation Krembil. Un appui a aussi été obtenu de la part de la Société Parkinson Canada.

Mathieu-Robert Sauvé