Paul Cisek : chercheur de têtes

5 octobre 2015

Paul_Cisek

Paul Cisek, dans son laboratoire de l’Université de Montréal.

Affiliation principale

Département de neurosciences

Disciplines de recherche

  • Système moteur
  • Neuroscience cognitive
  • Neuroscience computationnelle
  • Physiologie

Lieu de travail

  • Groupe de recherche sur le système nerveux central
  • Groupe de Recherche en Sciences de la Vision

Plutôt que d’aller à gauche, vous avez bifurqué vers la droite pour éviter cet obstacle qui se dressait sur votre chemin. En fait, votre cerveau n’a eu de cesse, depuis votre lever ce matin, d’évaluer différents renseignements se faisant compétition entre eux avant de poser un geste.

Ce concept du comportement interactif est connu depuis belle lurette, mais les travaux de Paul Cisek, spécialiste des mécanismes nerveux régissant la prise de décision, la planification et le contrôle des mouvements, ont permis de le développer et de l’expliquer de manière plus concrète que ce qui avait été proposé jusque-là.

Né en Pologne et arrivé aux États-Unis à l’âge de 9 ans, M. Cisek a fait des études de premier cycle en informatique au Rochester Institute of Technology, dans l’État de New York. Il a ensuite notamment travaillé pour le géant Microsoft pendant quelque temps avant de retourner sur les bancs d’école pour un doctorat en philosophie sur les systèmes nerveux et cognitifs à la Boston University. «C’était passionnant, mais je voulais faire des expériences. Les travaux du professeur de l’Université de Montréal John Kalaska, qui étudie les mécanismes neuronaux du cortex cérébral impliqués dans la planification et le contrôle des mouvements, m’intéressaient particulièrement. Il est l’un des meilleurs dans le domaine du développement de théories sur le cerveau», indique le chercheur. Il a donc poursuivi ses études au Canada, complétant en 1998 un postdoctorat en physiologie à la Queen’s University puis un autre, toujours en physiologie, à l’Université de Montréal en 2001.

Plusieurs chercheurs se sont penchés sur des cas statiques du genre: que choisissez-vous entre avoir 25 % de chances d’obtenir un dollar et 50 % de chances de gagner 50 cents? Que se passerait-il si la situation changeait en même temps que vous deviez prendre une décision?

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Les travaux actuels de Paul Cisek, qui portent sur la prise de décision sur le plan de la motricité dans un contexte changeant, découlent de ces études sur le cerveau dans ses interactions avec son environnement immédiat. «Plusieurs chercheurs se sont penchés sur des cas statiques du genre: que choisissez-vous entre avoir 25 % de chances d’obtenir un dollar et 50 % de chances de gagner 50 cents? Mais vous avez là une situation où l’on attend votre réponse. Que se passerait-il si la situation changeait en même temps que vous deviez prendre une décision?».

Cisek et son équipe ont procédé à une expérience auprès des singes macaques, leur fournissant au compte-gouttes de l’information sur la bonne décision à prendre entre deux options données. L’objectif étant de terminer le test avec le plus de points possible, l’animal pouvait s’aventurer à prendre une décision hâtive et extrapolée, et obtenir beaucoup de points, ou patienter jusqu’à la fin pour une décision plus réfléchie, mais en voyant son nombre de points diminué.

Les résultats sont concluants et confirment ce que d’autres expérimentations avaient laissé sous-entendre, souligne Paul Cisek. «On pourrait penser que le singe va réfléchir, prendre une décision, et puis préparer l’action. Or, il semblerait que le système de planification et d’exécution du geste soit déjà engagé dans le processus avant même que la décision n’ait été prise. Nous savions que la région du cortex moteur et du cortex prémoteur était impliquée, mais notre étude semble démontrer que c’est plus que cela. En fait, ce serait cette zone qui prend les décisions de motricité», raconte-t-il.

Bien que ses travaux n’aient pas, pour l’instant, mené à des applications concrètes dans le traitement de maladies liées au cerveau, M. Cisek espère que ce sera un jour le cas. La recherche fondamentale sur les structures du cerveau pourrait, en expliquant les interactions entre ses diverses régions, permettre de mieux en comprendre les ratés et ainsi mener à de meilleurs soins.

Déjà passablement occupé avec les projets de son laboratoire, Paul Cisek consacre l’essentiel de son temps libre à son fils de trois ans. «Ma conjointe et moi sommes très pris par nos boulots respectifs, alors avoir un bébé ne semblait pas si évident. Mais je ne pensais pas qu’autant de travail pouvait aussi représenter autant de plaisir!» s’exclame le jeune papa de 47 ans.

Septembre 2015
Rédaction : Annik Chainey