Percer les mystères de l’épilepsie
Malaises, absences passagères, crises convulsives… L’épilepsie est une maladie neurologique due à une hyperactivité électrique soudaine des neurones du cerveau. Et il faut savoir qu’il existe plusieurs formes d’épilepsie.«Des données récentes indiquent que de nombreux types d’épilepsie peuvent être causés par des anomalies génétiques entraînant un dérèglement des réseaux neuronaux. Comprendre ces mécanismes sous-jacents et leurs effets sur la maladie est complexe, car les manifestations varient selon les gènes, les circuits et les régions du cerveau concernés. Nous voulons percer ce mystère», déclare Elsa Rossignol, chercheuse et neuropédiatre au CHU Sainte-Justine. Elle organise, avec les professeurs Jean-Claude Lacaille, Patrick Cossette et Lionel Carmant, du Département de neurosciences de l’Université de Montréal, le 37e symposium international du Groupe de recherche sur le système nerveux central (GRSNC), qui se tiendra à l’UdeM les 4 et 5 mai prochain.
Gènes, réseaux et nouvelles thérapies seront au cœur de cette rencontre, qui réunira 21 spécialistes de la recherche fondamentale et du milieu clinique du Canada, d’Europe, d’Australie et des États-Unis. L’objectif? Faire le point sur les derniers travaux réalisés dans le domaine de la neurobiologie de l’épilepsie. Les experts présenteront des communications qui s’articulent autour de quatre axes : les aspects cliniques, les mécanismes moléculaires, les circuits neuronaux ainsi que les modèles animaux et les thérapies.
«Le symposium est structuré de manière à rapprocher les cliniciens et les chercheurs pour le bien-être des patients. Ce sera l’occasion pour les divers intervenants et les étudiants de discuter des découvertes relatives aux causes génétiques de l’épilepsie et de leurs implications pour l’élaboration de nouvelles thérapies», fait valoir le professeur Lacaille.
Des percées formidables
Le dernier symposium à avoir abordé ce sujet à l’Université de Montréal remonte à plus de 25 ans. Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis, grâce notamment à la possibilité de séquencer les éléments d’ADN qui composent les gènes. «Environ 90 % des connaissances sur la maladie ont été acquises ces 10 dernières années, confie Jean-Claude Lacaille. C’est dire combien la technologie et la recherche ont révolutionné ce domaine.»
Des études effectuées récemment ont permis de relier certains types de crises d’épilepsie à des dysfonctionnements précis dans le cerveau et en matière de transmission chimique de l’information entre les neurones. De ce fait, de nouveaux médicaments plus spécifiques pourront être créés. Aujourd’hui, au moyen de l’imagerie par résonance magnétique et de la tomographie par émission de positons, il est facile de repérer les endroits où se produisent les décharges épileptiques. Des avancées technologiques en imagerie cellulaire permettent même d’observer chez la souris la perturbation du fonctionnement des canaux ioniques, situés dans la membrane des neurones, qui provoque l’excitabilité anormale du cerveau. Les nouvelles approches génétiques chez la souris permettent également d’élucider l’effet réel de mutations dans des gènes précis sur différentes populations neuronales.
Certaines thérapies semblent tout droit sorties d’un film de science-fiction. Des chercheurs ont réussi à faire converger des rayons lumineux sur une cible intracérébrale particulière afin d’activer des groupes de neurones génétiquement modifiés chez la souris et ainsi à contrer l’activité épileptique. Bien que l’optogénétique demeure limitée à un usage animal, des procédés similaires recourant à des molécules pharmacologiques pour activer certains groupes neuronaux définis pourront un jour être mis au point chez l’être humain. Des façons de faire novatrices ont aussi conduit à une utilisation accrue du traitement chirurgical de l’épilepsie pour les malades dont les crises sont réfractaires au traitement pharmacologique. Le groupe d’épilepsie du CHUM figure d’ailleurs comme une référence en chirurgie insulaire. Chez les épileptiques qui sont inopérables, la stimulation électrique du nerf vague est déjà pratiquée. Des électrodes sont fixées sur le nerf et reliées à un générateur inséré sous la peau du thorax.
Mais pour l’heure, il est encore rare de guérir complètement l’épilepsie. Et il n’existe aucun médicament capable de combattre la maladie.
Du moléculaire au modèle animal
Une avenue prometteuse est la compréhension moléculaire du rôle des voies GABAergiques corticales et hippocampiques dans la genèse de l’épilepsie. Connaître le fonctionnement de ces neurones inhibiteurs et de leurs récepteurs qui empêchent l’excitation prolongée des neurones revêt une grande importance, car leur dysfonctionnement, même restreint, est souvent à l’origine de la maladie.
À l’Université de Montréal, où travaillent des pionniers de ce domaine de recherche, des études sont en cours et suscitent beaucoup d’espoirs. «J’ai confiance que d’ici 20 ans nous aurons en main les connaissances nécessaires pour mieux traiter et peut-être vaincre l’épilepsie», dit Elsa Rossignol, dont les travaux visent à clarifier les causes génétiques des épilepsies réfractaires pédiatriques et à définir les mécanismes cellulaires qui sous-tendent l’apparition de la maladie. Elle présentera une conférence sur le sujet durant le symposium.
Parmi les autres conférenciers du Québec qui seront au rendez-vous, il y a le professeur Patrick Cossette. Ses recherches portent sur la caractérisation des modifications génétiques monogéniques responsables des épilepsies familiales. Dans le cadre d’un projet pancanadien financé par Génome Canada, le Dr Cossette et des collaborateurs cherchent à concevoir un outil pharmacogénomique qui permettra d’intégrer des données génétiques et cliniques afin d’accélérer la démarche diagnostique et le choix d’une thérapie.
Deux autres invités de marque dans le domaine des nouveaux traitements que les organisateurs tiennent à mentionner sont Dimitri M. Kullman et Scott C. Baraban, respectivement du UCL Institute of Neurology de Londres et de l’Université de Californie à San Francisco. Le premier a fait sa marque en thérapie génique. Le second a pour spécialité les cellules souches et leur rôle dans le traitement de l’épilepsie et de ses affections concomitantes.
Une conférence plénière du Dr Samuel Berkovic, de l’Epilepsy Research Center en Australie, visera à renforcer les liens entre les différents champs de recherche en présentant les toutes dernières approches de pointe en séquençage de gènes dans l’épilepsie. Des affiches par des participants (professeurs, stagiaires postdoctoraux et étudiants) seront également présentées au cours des deux journées.
Dominique Nancy