Une équipe de recherche de l’Université de Montréal offre des pistes qui pourraient aider à détecter et à traiter la maladie
Au Canada, le manque de sommeil est loin d’être rare. Or, pour une santé optimale, les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures recommandent que les adultes âgés de 18 à 64 ans aient en général de 7 à 9 heures de sommeil de bonne qualité chaque jour, avec des heures de coucher et de lever régulières.
Une étude récemment publiée par Statistique Canada révèle toutefois que si les trois quarts des adultes canadiens respectent les recommandations sur la durée du sommeil, la qualité du sommeil et la variabilité des heures de sommeil laissent à désirer pour bon nombre d’entre eux.
Ce manque de sommeil réparateur n’est pas sans conséquence : non seulement nuit-il à la capacité d’une personne de vaquer à ses activités quotidiennes, mais il fait aussi augmenter le risque de maladie d’Alzheimer, maladie neurodégénérative qui touche près de 750 000 personnes au pays.
Grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), des chercheurs de l’Université de Montréal étudient le lien possible entre le sommeil et la maladie d’Alzheimer afin de comprendre comment la maladie survient et prend progressivement le contrôle du cerveau.
En effet, le Dr Jonathan Brouillette et la Dre Valérie Mongrain, dont les laboratoires sont situés au Centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, se penchent sur la façon dont le manque de sommeil peut accélérer l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Ils s’intéressent surtout à l’hippocampe, partie du cerveau qui gouverne l’apprentissage, la mémoire et le sommeil. Audrey Hector, étudiante au doctorat sous la supervision du Dr Brouillette, fait partie de l’équipe de recherche.
Des groupes de protéines bêta-amyloïdes bloquent la communication entre les neurones et perturbent le sommeil
Plus précisément, les chercheurs tentent d’élucider la manière dont les protéines bêta-amyloïdes perturbent la communication entre les neurones, ou les cellules nerveuses. Chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, ces protéines s’agglutinent et s’accumulent pour former des plaques dans le cerveau.
« Nous voulons comprendre comment des fragments de ces protéines bêta-amyloïdes, appelés oligomères, se fixent aux neurones et interfèrent avec la communication intercellulaire avant de former des plaques », explique la Dre Mongrain, professeure agrégée à l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physiologie moléculaire du sommeil.
« Ce défaut de communication est néfaste, car il empêche les cellules saines d’interagir », ajoute le Dr Brouillette, professeur sous octroi agrégé au Département de pharmacologie et de physiologie de l’Université de Montréal. « Si nous pouvons comprendre les effets des oligomères bêta-amyloïdes sur les neurones et le sommeil, nous pourrons peut-être trouver de nouveaux biomarqueurs et de nouvelles cibles thérapeutiques présents au début de la maladie d’Alzheimer. »
Autrement dit, ce projet de recherche fondamentale vise à mettre au jour la façon dont les protéines bêta-amyloïdes perturbent le sommeil, la mémoire et l’activité cérébrale.
Pour ce faire, les chercheurs injectent des protéines bêta-amyloïdes dans l’hippocampe de souris et de rats, puis en analysent les effets au moyen de diverses technologies de pointe. Ils se servent notamment d’un labyrinthe aquatique pour tester la mémoire ainsi que de la coloration pour suivre la propagation des protéines bêta-amyloïdes dans le cerveau. L’équipe utilise aussi l’électroencéphalographie (EEG) pour mesurer les modifications des ondes cérébrales qui altèrent le sommeil et la microdialyse pour détecter le nombre d’oligomères bêta-amyloïdes qui empêchent la communication entre les neurones dans le tissu cérébral.
« Nous examinons l’influence des protéines bêta-amyloïdes sur le cycle de 24 heures des animaux de laboratoire, précise Mme Hector. En analysant les modifications du sommeil et l’activité électrique du cerveau de ces animaux lorsqu’ils dorment, nous pouvons voir comment les protéines agissent sur l’hippocampe et d’autres parties du cerveau ainsi que sur la survie des neurones. »
Selon les chercheurs, les oligomères bêta-amyloïdes augmentent le rythme de l’activité électrique dans le système nerveux central et provoquent une hyperactivité des neurones de l’hippocampe en raison du blocage de la communication. Résultat : le sommeil est perturbé et la mémoire se détériore.
Le sommeil, possible traitement contre la maladie d’Alzheimer
Les chercheurs espèrent que leurs résultats mèneront à des études collaboratives avec des sujets humains.
« Si d’autres chercheurs se penchent sur des personnes dans la quarantaine ou la cinquantaine qui n’ont pas reçu un diagnostic de la maladie d’Alzheimer, mais qui présentent des perturbations du sommeil semblables à celles causées par la maladie, la pathologie amyloïde que nous observons dans nos recherches pourrait être en cause », indique Mme Hector.
« Si notre projet de recherche fondamentale nous permet de trouver un marqueur biologique de la maladie d’Alzheimer, d’autres chercheurs pourraient mettre cette découverte à l’épreuve dans des essais cliniques et ainsi déterminer si ce marqueur peut être utilisé pour la détection précoce de la maladie d’Alzheimer chez l’humain », ajoute le Dr Brouillette.
« J’ai toujours voulu savoir comment le cerveau fonctionne, affirme la Dre Mongrain. Il va donc de soi que je m’intéresse à l’étude des circuits de communication cérébrale, qui aidera les médecins à accroître le bien-être des patients. Dans notre cas, si nous pouvons prédire l’apparition de la maladie d’Alzheimer et ensuite améliorer le sommeil du patient en modifiant son mode de vie, nous pourrions contribuer à prévenir ou à ralentir la progression de la maladie. »
Source : https://cihr-irsc.gc.ca/f/52965.html