Des scientifiques du Centre de recherche du CHUM et de l’UdeM travaillent à prévoir ou à mieux détecter, grâce à une micropuce implantable, le moment où une personne épileptique aura une crise.
Imaginez une «météo pour le cerveau» des personnes épileptiques, un moyen de prévenir les crises grâce à une micropuce implantée sous le cuir chevelu.
De la science-fiction, pensez-vous? Pas pour deux professeurs de l’Université de Montréal et chercheurs au Centre de recherche du CHUM: le Dr Dang Khoa Nguyen, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en épilepsie et en anatomie fonctionnelle du cerveau, et Élie Bou Assi, neuroscientifique.
Tous deux travaillent à désigner des marqueurs qui permettront un jour de prédire les crises ou du moins de les détecter le plus rapidement possible afin que les personnes épileptiques aient le temps de se rendre dans un endroit sûr ou d’obtenir de l’aide.
«L’objectif de nos travaux sur la prédiction des crises est d’élaborer une sorte de “bulletin météorologique pour le cerveau” capable de fournir des prévisions en continu et d’avertir la personne quelques heures ou quelques jours avant le début d’une crise d’épilepsie», indique le Dr Nguyen.
Plus de 50 millions de personnes dans le monde souffrent d’épilepsie, selon l’Organisation mondiale de la santé, et près de 20 000 Canadiens reçoivent un diagnostic d’épilepsie chaque année. Les causes de ce trouble neurologique varient, mais il se caractérise par des crises récurrentes, souvent invalidantes, liées à un dysfonctionnement temporaire de l’activité électrique du cerveau.
Il existe des médicaments anticrises pour prévenir ces «tempêtes électriques» dans le cerveau. Mais ils ne sont efficaces que chez deux tiers des patients.
Des algorithmes pour repérer les changements subtils
Ces dernières années, l’équipe de recherche du Dr Nguyen a pu mettre au point des algorithmes permettant de repérer, dans les enregistrements intracrâniens des signaux cérébraux, de subtils changements invisibles à l’œil nu et précurseurs de crises d’épilepsie.
Dang Khoa Nguyen et Élie Bou Assi sont parmi les premiers dans le monde à explorer l’utilisation du couplage interfréquence dans les enregistrements intracrâniens de l’électrocardiogramme (EEG) pour prédire les crises. Ils ont d’abord testé l’efficacité de leurs algorithmes sur des EEG de chiens épileptiques – en recourant à des bases de données publiques en libre accès –, puis sur ceux de patients aux prises avec une épilepsie résistante aux médicaments.
L’originalité de leur recherche leur a valu un financement des Instituts de recherche en santé du Canada – 596 700 $ sur cinq ans – dans le cadre du dernier concours du Programme de subventions de projets. Grâce à ce financement, ils vont tenter d’améliorer les performances de leurs algorithmes et de les tester sur un plus grand nombre de patients et avec des enregistrements continus plus longs.
Réduire continuellement la charge de calcul avant de penser au «matériel» qui serait implanté sous le dôme du crâne – selon toute vraisemblance une puce informatique – est l’un des principaux défis auxquels les deux scientifiques s’attaquent.
«Hexoskins», montres et matelas
Par exemple, ils enregistrent les données relatives à la respiration, aux mouvements et à la fréquence cardiaque à l’aide de teeshirts intelligents – appelés «Hexoskins» – fabriqués par la société montréalaise Carré Technologies et conçus à l’origine pour les athlètes professionnels.
«À l’Unité de surveillance de l’épilepsie du CHUM, près de 300 crises ont déjà été enregistrées grâce à l’Hexoskin chez plus de 60 patients hospitalisés, mentionne Élie Bou Assi. Notre équipe explore ces enregistrements pour concevoir des algorithmes capables de détecter les crises d’épilepsie et de produire des alertes.»
Pour le Dr Nguyen, «il est évident que nous devrons utiliser plus d’une méthode pour détecter efficacement les crises d’épilepsie. En fonction du profil et des activités du patient, la combinaison d’une montre connectée, d’un teeshirt intelligent, d’un bracelet avec accéléromètre ou d’un capteur de pression pourrait être utile pour assurer la fiabilité du dispositif».
Dans un avenir proche, les deux chercheurs souhaiteraient suivre les patients à domicile au moyen d’objets connectés et comparer les résultats de la détection automatique avec les observations consignées dans les journaux de crise des patients.